Aujourd’hui, on ne travaille pas ici. On fête la tabaski, soit l’équivalent de l’Aïd el Kebir. Une sombre histoire de sacrifice d’Abraham. Bref, il en résulte que chaque homme musulman doit, ce jour-là, tuer un mouton, l’animal sacré.
Dakar est depuis quelques jours en ébullition. Les éleveurs de brousse se rapprochent des villes, jusqu’à s’installer au cœur des cités. Le long des grands boulevards sont parqués des centaines de moutons, toutes tailles, toutes races. Il y en a pour tous les goûts, et toutes les bourses !
Anon, le jeune homme en photo avec son mouton nous a expliqué qu’un mouton « acceptable » valait environ 85 000 fcfa (=130€) et que son plus beau mouton coutait 300 000 fcfa (=450€). En sachant que le salaire moyen d’un sénégalais est de 70€/mois, on comprend vite que l’achat d’un mouton n’est pas toujours facile, mais pourtant obligatoire pour les musulmans. Certains s’endettent, ou n’achète qu’un seul mouton pour la famille.
L’idée même de la Tabaski, c’est le partage. Une fois les prières faites, le mouton tué, découpé, préparé, on mange tous ensemble. Les familles font le tour des amis, des voisins pour partager un repas.
Ce matin, vers 10h, nous avons bénéficié d’un super spectacle depuis notre balcon. 4 moutons se faisaient découper juste en bas. Ils y vont aux couteaux (tous formats), au coupe-coupe. On enlève la peau d’abord, on s’attaque aux pattes, puis le reste. On a eu un peu peur quand ils ont coupé les cornes à coup de machettes... Maintenant l’air de Dakar est empli d’effluves de mouton, méchoui géant !
Je viens de recevoir un message d’Anon, l’éleveur de moutons dakarois : "Dieu nous offre la grâce de passer une tabaski encore. Qu’IL en soit loué. Bonne fête de Tabaski. Soyez comblés des grâces du Très haut. Anon". C’est ça l’esprit Tabaski !!!
Info linguistique :
Ce qui est génial dans l’apprentissage du wolof, c’est qu’on en apprend énormément sur la culture africaine et sénégalaise en particulier. Ici, la culture est traditionnellement orale, donc, parler le wolof c’est comprendre les codes, les us locaux. Par exemple, aujourd’hui, demain et dans les prochains jours, il faut dire, à toutes personnes que l’on rencontre "Baal Ma Aq". Si on essaie de le traduire, ça doit donner quelque chose comme ‘Pardonne moi pour les torts que j’ai pu te faire’.
On nous a expliqué que, consciemment ou non, chaque jour, on embêtait/dérangeait/gênait des gens de notre entourage. Que ce soit en réveillant le voisin malade le matin en mettant la radio trop forte, en déplaçant quelque chose de fragile sur le bureau d’un collègue, en bousculant quelqu’un dans la rue, les torts que l’on causent peuvent être volontaires ou non, mais ils sont bien réels. Les jours de fête religieuse, comme la Tabaski, sont l’occasion de s’excuser pour nos erreurs passées et de repartir sur de bonnes bases avec tous ceux qui nous entourent. Je vous donne la conversation complète, avec traduction :
« Baal ma aq. Pardonne moi pour les torts que j’ai pu te faire.
_ Baal ma na. Je t’ai pardonné.
_ Yal nanu Yalla baal. Que Dieu nous pardonne à tous les 2.
_ Amiin, ñu bokk. Amen, je te souhaite la même chose. »
Bonne Tabaski et dewenati !!!


